Si nous laissons un instant la vision étriquée de la participation citoyenne, il devient indéniable que les jeunes des communautés Noires du Québec sont des acteurs et actrices essentiel·les dans leur milieu de vie. Lorsqu’on est confortable avec le caractère multiforme de la participation citoyenne, le constat devient clair : nos communautés s’organisent déjà, et les jeunes sont au cœur de cette organisation.
En 2025, une enquête menée par le Sommet Jeunes Afro auprès de 1 463 jeunes issus des communautés noires a révélé que près de 68 % estiment déjà contribuer positivement à leur communauté.
Initiatives culturelles, collectifs artistiques, entraide communautaire, projets scolaires, ou encore implication dans des organismes de quartier sont quelques-unes des formes d’engagement des jeunes des communautés Noires du Québec. Fait notable, 27 % des jeunes noir·e·s déclarent participer activement à des organisations culturelles, contre seulement 10 % chez les autres jeunes. Ce surinvestissement témoigne d’une créativité et d’une volonté de nourrir l’identité collective malgré des obstacles persistants.
Identifier ces formes d’engagement, c’est aussi comprendre qu’elles s’exercent dans un contexte marqué par des inégalités. Plus de 83 % des jeunes noir·e·s disent avoir déjà subi de la discrimination liée à leur identité, et 66 % rapportent avoir été traités injustement dans leurs interactions avec les services publics, contre seulement 29 % chez les autres jeunes (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse).
Autrement dit, les jeunes noir·e·s participent activement à la vie citoyenne, mais dans un environnement où leur légitimité est encore trop souvent remise en question. Leur engagement n’est pas seulement une contribution sociale : il est aussi un acte de résistance et une affirmation politique.
Reconnaître les formes d’engagement des jeunes Noir·e·s, est un geste profondément politique. Cela permet d’abord de déconstruire le mythe d’une jeunesse démobilisée. Trop souvent, les jeunes noir·e·s sont représenté.e.s dans les discours publics comme désengagés, indifférents ou repliés sur eux-mêmes. Cette vision réductrice invisibilise leur créativité, leurs initiatives et leur résilience.
Mettre en lumière l’engagement réel, c’est aussi briser la vision désincarnée d’une jeunesse en marge de la société. Les données récentes montrent au contraire une jeunesse résolument active, qui contribue de manière concrète à la vie collective — qu’il s’agisse de projets culturels, d’entraide, d’activisme ou d’innovation sociale.
En reconnaissant ces pratiques comme de véritables formes de participation citoyenne, on affirme que ces jeunes sont membres à part entière de leur communauté et du Québec dans son ensemble.
Enfin, valoriser cet engagement envoie un signal clair aux décideurs et aux institutions. Cela permet de mieux comprendre où et comment rejoindre cette jeunesse, et surtout, comment investir en elle. Les lieux d’implication des jeunes Noir·e·s sont parfois différents des canaux traditionnels, mais ils sont porteurs d’un immense potentiel collectif. Pour les politiques publiques, c’est une occasion de se rapprocher d’une génération qui invente déjà ses propres manières de faire société, et de bâtir des stratégies réellement inclusives.
La participation citoyenne des jeunes Noir·e·s est déjà bien réelle. La question n’est pas de “commencer”, mais de reconnaître et de renforcer ce qui existe. Pour cela, deux dimensions doivent être envisagées : le rôle des institutions et le soutien à une présence accrue dans les espaces décisionnels.
Les institutions — qu’il s’agisse des municipalités, des écoles, des organismes publics ou des bailleurs de fonds — ont une responsabilité claire : valoriser et soutenir durablement les initiatives qui émergent déjà des communautés. Cela peut passer par :
Reconnaître ces initiatives comme de véritables pratiques citoyennes, c’est élargir la définition de la citoyenneté elle-même.
Au-delà de la reconnaissance de l’existant, il est également essentiel de soutenir la présence des jeunes Noir·e·s dans les lieux où leurs voix sont encore trop peu entendues : conseils municipaux, instances consultatives, tables de concertation, espaces de recherche et de décision publique. Ici, l’enjeu n’est pas d’“assimiler” les jeunes à des structures héritées, mais de :
L’objectif est d’enrichir les institutions de l’apport de cette jeunesse grâce à ses réalités et sa créativité.
Les données sont claires : les jeunes Noir·e·s au Québec sont déjà engagé·e·s, créatif·ve·s et solidaires, mais leur contribution reste trop peu reconnue. La véritable question n’est donc pas “comment commencer à participer”, mais “comment élargir et valoriser une participation qui est déjà là”.
Nous avons tout à gagner à reconnaître cette richesse. Parce que l’avenir du Québec se construit déjà, dans nos quartiers, nos associations, nos cercles de solidarité.